Pourquoi et comment les « terrace shoes » d’adidas sont-elles devenues des sneakers incontournables ?

Nul ne peut parler sérieusement de sneakers sans ne serait-ce qu’évoquer les modèles les plus historiques et de surcroît emblématiques d’adidas. D’autant que contrairement à son rival américain, l’équipementier allemand est l’un des plus vieux fabricants de chaussures de sport du marché. La firme a en effet été fondée en 1949 à Herzogenaurach par Adolf Dassler dont le surnom « Adi » et la première syllabe du nom de famille ont donné naissance à celle que nous connaissons toutes et tous aujourd’hui comme la marque aux 3 bandes : adidas. Autant dire qu’en plus de 60 ans, cette dernière a eu l’occasion de rayonner dans tous les sports majeurs grâce à des silhouettes qui ont ensuite opéré une reconversion tout aussi brillante dans la rue. C’est le cas des « terrace shoes », des chaussures partageant plusieurs critères esthétiques et techniques bien particuliers qui ont tendance à revenir en force sur le marché depuis quelques mois.

Pour comprendre ce que sont vraiment ces fameuses « terrace shoes » et pourquoi elles sont de nouveau sous le feu des projecteurs, un voyage dans le passé s’impose. Sans transition, retournons donc aux origines d’adidas, plusieurs dizaines d’années avant que la firme d’outre-Rhin commence à travailler avec des artistes aussi renommés et influents que les rappeurs du groupe Run-DMC ou encore Kanye West.

Du monde du sport à la rue, retour la success-story des sneakers classiques d'adidas.

Nous sommes en 1949. adidas vient tout juste de voir le jour et ambitionne pourtant déjà de s’ériger comme un acteur incontournable du sportswear. Dans cette optique, son fondateur Adi Dassler et ses collaborateurs vont s’attaquer au football, sport en plein essor à cette époque, avec la coupe du monde de 1950 au Brésil en toile de fond. L’objectif : créer une chaussure optimisée pour l’entrainement dans les conditions climatiques les plus difficiles, par grand froid sur terrain gelé. La adidas Samba est ainsi née et elle s’est immédiatement imposée comme une référence dans le football. Structurée autour d’une tige basse en cuir souple renforcée sur le dessus des orteils et une semelle fine mais adhérente en caoutchouc, la Samba est restée très appréciée dans le monde du football, en particulier par les amateurs de futsal. Dans la rue, également, où elle a parfait son retour au cours de l’hiver dernier grâce à des inflenceuses telles que Balla Hadid et Kendall Jenner. De fait, la Samba a notamment la côte auprès des femmes.

En 1959, les designers de la marque aux 3 bandes vont poser les premières briques de la City Series, et ce avec la Rom, une chaussure d’entrainement nommée ainsi en référence aux Jeux Olympiques de Rome de 1960.

Puis, entre 1960 et 1970, adidas va connaître une décennie dorée.

En 1964, tout d’abord, l’ancêtre de la Stan Smith est sortie de terre grâce à Robert Haillet, un tennisman français dont la création a porté le nom jusqu’à ce que l’équipementier collabore avec le champion américain Stanley Smith en 1973 (la chaussure de tennis a été officiellement renommée en 1978, ndlr). En 1968, le géant allemand enchaine avec la Gazelle. Son objectif assumé est de proposer aux athlètes professionnels et aux sportifs amateurs une alternative sérieuse à la PUMA Suede, poussant à son paroxysme la rivalité entre les frères Dassler. Le fondateur de PUMA, Rudi Dassler, n’est autre que le frère d’Adolf, aka Adi, qui a donc fondé de son côté adidas cinq ans après son aîné. Enfin, en 1970, c’est la adidas Campus qui a été introduite sur le marché, bien qu’elle fût initialement nommée « The Tournament ». La Campus 00s, beaucoup plus récente avec sa ligne revisitée dans l’esprit de la culture skate des années 2000, en est directement inspirée. On en oublierait presque qu’en 1968, la adidas Athen est venue étoffer la collection City Series.

A l’instar de la Samba, ces 3 modèles majeurs sont pourvus d’une tige basse à l’apparence semblable, en cuir traditionnel ou suédé, et d’une semelle fine en caoutchouc qui constitue l’essence même des « terrace shoes ». Tous garantissaient de fait une grande liberté de mouvement et surtout une proximité avec les surfaces particulières des différents terrains de sport sur lesquels elles étaient destinées à s’épanouir. Elles étaient reconnues en outre pour leur confort et leurs performances. A tel point qu’après le football et l’athlétisme, adidas a étendu le concept au handball avec une silhouette au nom évocateur : la Handball Spezial. Celle-ci a été intronisée en 1979. Elle est en quelques sortes au handball ce qu’est la Samba au football, surtout pour les gardiens dont certains continuent à la porter à l’entrainement comme en match. Thierry Omeyer en a sans aucun doute été l’un des meilleurs ambassadeurs durant sa carrière d’une longévité record.

Les « terrace shoes » sont passées des terrains de sport à la rue grâce à la fois à leur confort et le fait qu’elles ont très vite été déclinées dans de nombreux coloris. Des coloris qui dans les années 1970 ont tapé dans l’œil des hooligans, principalement au Royaume-Uni, qui purent ainsi arborer de la tête aux pieds les couleurs de leur équipe préférée. Leur modèle de prédilection ? La Samba, évidemment. En parallèle, adidas a continué à enrichir sa City Series avec des paires à l’effigie d’autres villes d’Europe telles que Munich en 1976, Dublin en 1980 et Hambourg en 1982. Autant de modèles auxquels les supporters de football pouvaient facilement s’identifier. Cela nous amène au milieu des années 1980. Le hip-hop est en plein essor. Le groupe Run-DMC, composé de Jam Master Jay, Rev Run et DMC, déchaine les foules lors de chacun de ses concerts. En 1986, au Madison Square Garden de New York, un représentant d’adidas se trouve dans le public. Une présence pas forcément anodine car Jam Master Jay et ses acolytes avaient l’habitude de s’afficher à la ville comme sur scène baskets adidas aux pieds, languette relevée. Après le concert, Run-DMC signera un contrat de sponsoring historique avec la marque, le premier de l’histoire des sneakers entre un équipementier sportif et des artistes.

La Stan Smith et la Superstar sont alors entrés dans une nouvelle ère, entrainant dans leur sillage ces autres sneakers adidas pour homme et femme dont nous vous proposons de retrouver les meilleures éditions limitées sur Kikikickz. Parmi celles-ci figurent les coloris issus parfois de collaborations exceptionnelles qui ont contribué au récent come-back des « terrace shoes » initié entre autres par les reines des réseaux sociaux et les IT-girls. La Samba, par exemple, qui a vu sa déclinaison blanche et noire sortir de l’ombre avant de passer entre les mains expertes de KITH et de Sporty & Rich. La Gazelle a fait l’objet quant à elle d’un lifting signé Sean Wotherspoon tandis que la Campus a pu compter sur le soutien inconditionnel de Bad Bunny pour se refaire une santé. Et notre petit doigt nous dit que nous ne sommes qu’au début du phénomène. Après avoir scellé la fin de son partenariat avec Kanye West et ses Yeezy, adidas mise effectivement plus que jamais sur ses classiques avec l’espoir et même l’ambition de rester l’un des leaders du marché. Une stratégie pour l’instant gagnante.

Il faut aussi garder à l’esprit qu’adidas a signé un joli coup en 2020 en s’octroyant les services de Jerry Lorenzo, le fondateur et directeur artistique du label Fear of God. Pour l’instant, les deux acteurs n’ont pas réellement fait fructifier leur collaboration, si ce n’est sur un premier modèle d’inspiration b-ball audacieux que nous avons pu découvrir le 19 avril dernier lors d’un défilé spectaculaire à Los Angeles. Plus récemment, les contours d’une nouvelle version de la Forum 86 Low ont été dévoilées, laissant présager l’arrivée d’autres paires signées Fear of God dans les mois à venir. Nous connaissons le penchant du créateur californien pour le basketball, mais aux vues de l’engouement grandissant pour les « terrace shoes », celui qui vient d’être nommé 3e personnalité la plus influente dans l’univers du streetwear par Complex pourrait sortir des sentiers battus pour apposer sa griffe sur la Samba ou la Campus. A défaut d’y croire, nous pouvons l’espérer.

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Benjamin Descamps

Fan de sneakers depuis l'adolescence. J'ai un faible pour les Jordan rétro et les premières Air Max. J'interviens sur l'Edito pour vous parler de tout ce qui a trait à la culture sneakers, tant en termes d'actualité que d'histoire.