Hip-hop et basket-ball sont souvent désignés comme les pères de la culture sneakers. Une vérité qui ne doit pas occulter le fait que la chaussure de sport avait dévié de son usage initial auparavant. D’autres contre-cultures se l’étaient déjà appropriée, et d’autres disciplines lui avaient déjà permis d’acquérir une dimension lifestyle. Le tennis est de celles-là.

Le tennis, early adopter de la sneaker
Apparu au Royaume-Uni à la moitié du XIXe siècle, le tennis a vite fait de la sneaker l’un des accessoires clés à sa pratique. Le sport de raquette utilise ainsi son ancêtre la plimsoll, chaussure à la semelle en caoutchouc et tige en toile conçue pour le beachwear, avant de récupérer les créations des deux premiers fabricants phares américains, Keds et Converse.

L’offre spécialisée se développe dans les années 1930, avec Jack Purcell, Dunlop et Adidas. C’est la marque aux trois bandes qui signe les premiers grands classiques dédiés aux courts entre les sixties et seventies, avec des modèles en cuir portant les noms des joueurs Ilie Nastase, Rod Laver et surtout Robert Haillet, lequel transite des terrains vers la rue avant même d’être renommé au profit de Stan Smith.

L’un des premiers tremplins lifestyle de la sneaker
À la fin des années 1970, le tennis est un sport très populaire. Si la pratique demeure élitiste, le boom des retransmissions télévisées en fait une discipline très suivie et propulse ses champions en superstars internationales. Les Bjorn Borg, John McEnroe, Ivan Lendl ou Jimmy Connors sont sponsorisés par les équipementiers, qui développent pour eux des lignes et sneakers signatures. Les fans de tennis les portent en dehors des courts, de manière à manifester leur attrait pour telle ou telle personnalité.

À ce phénomène émanant plutôt d’une population privilégiée s’ajoute celui du mouvement casual, et ces supporters de football anglais qui récupèrent les équipements du tennis afin de parfaire leur look boy next door pour passer inaperçus aux yeux de la police, tandis que dans les quartiers pauvres des métropoles américaines, les membres de la communauté bourgeonnante du hip-hop se les approprient pour une question de confort. Dans la lignée du running durant les sixties, le tennis incarne donc le deuxième écart lifestyle du sportswear, préfigurant les suivants incarnés par l’aérobic et le basketball.

Des créations légendaires
La dimension lifestyle des paires initialement réservées aux courts prend une autre tournure à la fin de la décennie 1980, toujours par le biais des grandes stars du sport, mais cette fois sous la houlette du Swoosh. Alors que les chaussures de tennis étaient jusqu’alors portées par des esthétiques épurées et une prédominance de blanc, Nike insuffle son design radical à travers les Mac Attack puis Air Trainer 1 endossées par John McEnroe ou la Air Tech Challenge II d’Andre Agassi, venant ainsi parfaire leurs looks hauts en couleur.

Dans la foulée, Reebok réalise un gros coup avec sa Pump. Cette sneaker lancée en 1989, qui porte le nom d’une technologie permettant par la pression d’un bouton sur la languette de gonfler des coussins d’air pour un maintien personnalisé, bénéficie d’une belle promotion grâce au prodige Michael Chang, vainqueur à 17 ans de Roland-Garros. De quoi installer la marque anglaise en équipementier numéro un du sportswear, et instaurer une course au design audacieux durant la décennie 1990, caractérisée par une affluence de nouveautés. Depuis, les créations footwear du tennis ont marqué le pas en termes de résonance, mais le passif lifestyle du sport de raquette résonne toujours sur les pavés. L’abondance de Stan Smith dans nos rues en est le reflet !

Journaliste sneakers, mode, lifestyle. Auteur du livre "Sneakers Obsession".