Il est admis que des sneakers de la griffe japonaise BAPE, créée en 1993 par Nigo, ressemblent énormément à des Nike. Notamment et surtout son plus grand succès la Bapesta, très largement inspirée de la Air Force 1 dont elle ne se différencie que par les signatures de marque et l'absence de technologie Air. Le Swoosh, pourtant toujours prompt à défendre sa propriété intellectuelle - d'autant plus ces dernières années -, ne s'en était jamais offusqué. Une étrangeté qui avait alimenté les rumeurs, l'une d'elles, persistante, voulant que l'équipementier américain avait des parts dans l'entreprise. Il les a finalement balayées ce mercredi, en déposant une plainte contre BAPE devant un tribunal fédéral pour "copie de ses designs emblématiques".

Selon un document diffusé par Reuters, la Bapesta est évidemment incriminée, mais pas uniquement : la SK8 Sta est aussi épinglée pour sa ressemblance avec la Dunk, de même que les Court Sta vis-à-vis des Air Jordan 1. Pour Nike, il s'agit "de copies presque textuelles" de ses créations. Quant à la question de savoir pourquoi il a tant attendu, puisqu'il s'est écoulé plus de 20 ans depuis le lancement de la Bapesta, la marque de Beaverton s'en justifie par le fait que son concurrent "a considérablement augmenté le volume" de ses ventes sur le territoire américain ces derniers mois, et donc "la portée de son infraction".

Dans sa plainte, Nike se concentre en effet sur l'activité de BAPE aux États-Unis, arguant qu'il a introduit des "chaussures contrefaites" à compter de 2005 mais que ses ventes demeuraient jusqu'à il y a peu "sporadiques". On apprend dans le même temps que le Swoosh avait déjà bougé sur le sujet par le passé : une discussion avec le rival s'est tenue en 2009, entraînant la réduction de ses actions aux US et la fermeture de la plupart de ses magasins, ainsi que la modification de la Bapesta pour atténuer ses similitudes avec l'AF1. Des décisions conciliantes annihilées par le groupe hongkongais I.T., qui a racheté le label en 2021 et dès lors relancé la version originale du modèle comme son commerce intensif outre-Atlantique.

C'est donc "parce que les infractions de BAPE sont récemment devenues un danger important pour les droits de Nike" qu'il estime devoir "agir maintenant", ajoutant cependant que "la copie de BAPE" lui était "toujours apparue inacceptable". Un argumentaire qui aurait tendance à renforcer les interrogations quant à son inaction pendant tant d'années. Car le Swoosh aura laissé BAPE œuvrer à travers le monde, permettant à ses créations Bapesta en tête de devenir, malgré leur ressemblance reconnue avec les siennes, des symboles de la sneakers culture. Une dimension historique que son action n'enlèvera aucunement. À défaut, elle pourrait lui rapporter gros : Nike réclame la cessation des ventes des modèles désignés dans sa plainte, et le paiement d'une somme - non précisée - pour les dommages subis. Alors assiste-t-on au début de la fin des Bapesta ? Affaire à suivre...

Journaliste sneakers, mode, lifestyle. Auteur du livre "Sneakers Obsession".