Clash avec adidas et GAP, décision de "faire cavalier seul"... Chronique d'un été de Kanye West

L'été est propice aux feuilletons, et le sneakers game n'a pas fait exception en cette édition 2022 avec une telenovela signée Kanye West. Dans une suite de posts sur Instagram, le créateur s'en est pris à ses deux associés, adidas avec lequel il drive YEEZY ainsi que GAP. Entre critiques, accusations et menaces, Ye a frappé fort, et y a comme à son habitude mis les formes. Retour sur les événements qui ont jalonné la période de crise, et abouti à une décision affirmée de "faire cavalier seul". Oui. Kanye, seul. 

Juin, la claquette de la discorde

La colère de Kanye West prend source le 13 juin, à la suite de la révélation de la nouvelle claquette siglée des trois bandes, l'Adilette 22. Interpellant directement Kasper Rorsted, président-directeur général de la marque, Ye déclare qu'il s'agit d'une "copie flagrante" de sa YEEZY Slide, "une fausse paire de YEEZY créée par adidas", et parle d'un "manque de respect". Visiblement peu touché, l'équipementier allemand dévoilera quelques jours plus tard la adiFOM Q, paire proche de la Foam RNNR qui sera également épinglée par le rappeur.

Août, YEEZY (but not Ye) Day

Le jour de l'ouverture du YEEZY Day, event célébrant la gamme pour lequel de multiples restocks sont programmés, Kanye prend de nouveau la parole pour critiquer son partenaire, arguant que cette opération a été organisée sans son accord et que les réassorts n'ont pas été soumis à son approbation. Il réitère à cette occasion ses accusations de plagiat - "ils volent mes coloris, ils volent mes designs" -, évoque aussi des décisions réalisées sans concertation et même des mensonges de dirigeants...

Septembre, GAP à son tour dans le viseur

Après adidas, Kanye s'en prend à GAP ! Le 1er septembre, Ye clame que la marque a copié les designs de la collection YEEZY GAP ENGINEERED BY BALENCIAGA. Il ajoute ne pas avoir apprécié son éviction d'une réunion, l'annulation d'une séance photo avec ses enfants au Japon ou encore certains mouvements stratégiques. Le créateur fixe un ultimatum - "vous devez vraiment me donner la position de Ye et faire ce que je pense ou je vais devoir faire ce que je pense ailleurs" - et sur cette base, ouvre la voie au développement de sa marque en indépendant. Il fait ainsi part de sa volonté d'ouvrir des magasins YEEZY dans le monde entier, projet qui était d'après lui stipulé "contractuellement" dans ses partenariats avec GAP et adidas, "ce qu'aucune des deux sociétés n'a fait, même si je les ai sauvées toutes les deux". Les menaces prennent forme...

Septembre toujours, accusations encore envers adidas

Le 3 septembre, le viseur de Kanye se redirige vers adidas, et deux personnalités en particulier qu'il ridiculise à coups de montages : Daniel Cherry III, un dirigeant des trois bandes qu'il semble désigner comme étant celui à l'origine de prises de décisions sans son consentement, et Ekwan Rhow, avocat selon lui mandaté par l'équipementier pour modifier son contrat. Ye poursuit les accusations de plagiat, les agrémente d'une non moins grave "vente de contrefaçons YEEZY en Chine", et lance un nouvel ultimatum pour la résolution du contentieux.

Deux jours plus tard, West revient sur le beef avec des chiffres. Il affirme qu'adidas lui a proposé 1 milliard de dollars pour racheter YEEZY, offre qu'il moque en avançant que ses royalties lui rapporteront 500 millions de dollars à elles seules en 2023. "Ça vous coûtera des milliards pour me garder, ça vous coûtera des milliards pour me laisser partir", assène-t-il, renouvelant ses velléités de départ en solo, et un désir de reprendre une "entreprise de chaussures ou des usines de fabrication de chaussures" qui lui permettraient de devenir "le principal décideur". Une déclaration applaudie par de nombreuses personnalités, pendant que l'annonce du lancement de l'adiFOM Q, la Foam-alike, en rassemble d'autres autour d'un appel au boycott des trois bandes pour atteinte à la propriété intellectuelle. Et Ye se sent pousser des ailes.

"Il est temps pour moi de faire cavalier seul", le divorce finalement prononcé

Le feuilleton Kanye West trouve un premier épilogue le 13 septembre, dans une interview accordée à Bloomberg. "Il est temps pour moi de faire cavalier seul", y déclame le designer pour officialiser sa séparation future avec adidas et GAP. "C'est cool. J'ai fait gagner de l'argent aux entreprises. Les entreprises m'ont fait gagner de l'argent. Nous avons créé des idées qui changeront l'habillement pour toujours. Comme la Round Jacket, la Foam Runner, les Slides qui ont changé l'industrie de la chaussure. Il est maintenant temps pour Ye de créer la nouvelle industrie. Plus d'entreprises se tenant entre moi et le public", poursuit-il. À cette heure, ni adidas ni GAP n'ont réagi, et Ye leur reste lié jusqu'en 2026 et 2030 respectivement. La situation n'est pas encore irrémédiable, et les suppositions vont toujours bon train sur les réelles intentions de l'intéressé avec ses sorties musclées, perçues par beaucoup comme des manœuvres destinées à la renégociation de ses contrats.

Les doutes ont finalement été levés le 15 septembre, avec la confirmation par mails interposés de la rupture du bail avec GAP. Pour adidas rien n'est acté, mais Mister West ne devrait pas retourner sa Round Jacket pour recoller les morceaux. De fait, il prépare bel et bien le terrain pour sa virée en solo : en plus d'avoir annoncé qu'il prévoyait d'ouvrir des campus Donda, futures plaques tournantes des produits YEEZY, Kanye a, tout au long de l'été et dans l'ombre de ses captions assassines, déposé un certain nombre de trademarks : Mascotte Holdings pour le développement d'apparel, footwear ainsi que des boutiques, Yeezus pour la création de NFT, de jeux, cosmétiques voire même de parcs d'attraction. Ye et seulement Ye, il semble qu'on y est ! 

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Alexandre Pauwels

Journaliste sneakers, mode, lifestyle. Auteur du livre "Sneakers Obsession".