La collab Corteiz, reflet de l’amour britannique pour la Air Max 95

C’est le grand jour ! Celui de l'arrivée de la Air Max 95 co-signée par le label londonien Corteiz, grande sensation de la planète streetwear dont il s’agit de la toute première sneaker. Misant sur une esthétique militaire, la paire ne fait pas forcément l’unanimité auprès des sneakerheads, mais elle a un goût d’authentique indéniable. Car elle met en lumière l’amour britannique, londonien en particulier, pour ce modèle si singulier. 

God save the Air Max

Lancée en 1987 avec la Air Max 1, la gamme de Nike dédiée à sa plus fameuse technologie a accompagné de nombreux pays dans le développement de leur propre culture sneakers, et au-delà même, leur propre street culture. De fait, la révolution connue aux États-Unis durant les années 1980, qui a consacré la basket en objet de collection et accessoire de mode, s’est exportée au cours des nineties. Une décennie propice à cette expansion internationale, entre la montée de contre-cultures musicales qui font de la basket un étendard, rap en tête ; une évolution des mœurs vers plus de décontraction avec l’arrivée du Friday Wear ; l’avènement du lifestyle en somme, qui devient un segment à part entière chez tous les équipementiers, qui étaient jusque-là uniquement tournés vers le sport. Et qui entreprennent tous, durant ces mêmes nineties, de partir à la conquête du monde.

C’est le Swoosh qui tire son épingle du jeu et devient à cette période le numéro un du sportswear. En plein boom du running, sa gamme Air Max constitue un fer de lance et ses différents designs trouvent des résonances dans des régions spécifiques, y tissant de profonds liens culturels. L’Italie s’amourache de la Air Max 97, la France de la Air Max Plus dont elle fait sa "requin", le Japon de la Air Max 95. Comme le UK, qui symbolise à lui seul le carton de Nike durant cette décennie, avec une augmentation des ventes de produits à la virgule de l’ordre de 600% ! 

Les "110s", symboles grime et emblèmes de la street

Avant d’aimer la Air Max 95, les Anglais et Londoniens plus précisément s’étaient déjà épris de la Air Max 90. La silhouette qui ouvrait la décennie était plébiscitée dans la rave culture. On l’enfilait pour les soirées jungle, garage ou drum and bass, ces musiques électroniques nées outre-Manche à l’époque. Et pour une simple et bonne raison : il n’y avait pas plus confortable pour aller danser des heures durant. La AM90 s’est alors répandue comme une trainée de poudre dans tout le Royaume-Uni, ouvrant la voie au succès de sa petite sœur la 95.

Si le design audacieux de Sergio Lozano marque les esprits dès sa sortie, c’est quelques années plus tard, au début du nouveau millénaire, qu’il devient véritablement un emblème britannique. Avec l’arrivée d’un autre genre musical, inspiré de ceux précédemment cités auxquels s’est mêlé le rap : le grime. Né à Londres et d’abord underground avec des diffusions limitées à quelques radios locales et/ou clandestines, le grime s’érige vite un code vestimentaire comprenant tracksuits Nike et Air Max assorties. La 95 est sa favorite. On la surnomme déjà la "110" en référence à son prix en livres sterling, ce qui pointe une dimension statutaire, autre raison de sa réussite auprès de rappeurs issus de quartiers défavorisés et désirant s’élever socialement. Avec le premier grand succès du genre en 2003, l’album Boy in da Corner de Dizzee Rascal, bientôt suivi par Skepta dans les charts, suit une nouvelle propagation à travers le pays. Depuis, aussi vrai que le grime est la soundtrack de la street culture londonienne, la Air Max 95 est restée une composante de sa garde-robe.

Corteiz pour l’histoire

Symbole de la street et sneakers culture UK, l’Air Max 95 voit son aura britannique être ravivée par Corteiz. La marque streetwear, qui s’est bâtie une solide réputation avec ses drops sauvages et son marketing génial, revendique de tout temps un lien avec la rue londonienne que l’AM95 vient pleinement illustrer. À l’annonce de sa collab avec Nike, les fans anticipaient d’ailleurs déjà un travail autour de ce modèle en particulier. Ils n’auront certainement pas été étonnés de la communication déployée à quelques jours de la sortie officielle, jouant habilement de ce lien historique notamment à travers un clip vidéo multipliant les références comme le chiffre de 110.

Corteiz a tenu à honorer le classique jusque sur le design, qui n’est pas sans rappeler la version OG Neon avec ses touches de jaune fluo et la disposition de son dégradé de couleurs. En optant néanmoins pour des nuances de vert, auxquelles s’ajoute le camo de la doublure créant de fait un ensemble très militaire, la paire ne fait pas l’unanimité auprès des sneakerheads. Mais une chose est sûre, la Corteiz x Nike Air Max 95 a cette qualité devenue rare dans un game saturé de sorties et de collabs : elle raconte une histoire, et une histoire authentique de surcroît. Rien que pour cet aspect, il y a de quoi évoquer une réussite.

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Alexandre Pauwels

Journaliste sneakers, mode, lifestyle. Auteur du livre "Sneakers Obsession".