Artiste le plus influent de la dernière décennie, Kanye West n’a pas obtenu ce titre par sa seule production musicale, sinon aussi par son rayonnement dans d’autres domaines, comme la mode et surtout les sneakers. Sur ce dernier point, son impact a été tel qu’on peut même dire qu’il a façonné l’industrie telle qu’on la connaît.
Kanye West et les sneakers, une longue histoire
Ye a très vite fait preuve de sa passion pour les baskets, et de son ambition de designer. Il signe sa première collab officielle en 2007 avec la marque japonaise BAPE, et enchaîne en 2009 avec Louis Vuitton puis Nike, chez qui il est le premier non-athlète à signer un partenariat autour des sneakers. Les Air Yeezy 1 et 2 l’imposent définitivement comme un créateur d’avant-garde. L’esthétique tranchée, mais aussi la popularité et la science du teasing du rappeur ainsi que des tirages limités constituent les ingrédients d’un succès sans précédent
Pourtant, la relation avec le Swoosh tourne court. L’artiste désirait des royalties en plus d’un contrat, c’est la promesse que lui fera Adidas, assortie d’une plus grande liberté créative. En 2013, le rappeur rejoint donc le grand rival avec qui il lance la ligne Yeezy. Désormais flanquées des trois bandes, ses sneakers – bientôt suivies de prêt-à-porter – continuent d’étonner et d'influer sur l'industrie. Après avoir répété durablement la recette de son succès avec Nike, West a depuis poussé adidas à augmenter les stocks pour atteindre son grand rêve, celui de voir ses baskets aux pieds de tous. Leur popularité se confirme en chiffres : en 2021, la marque Yeezy est estimée à plus de 3 milliards de dollars.
La hiérarchie bousculée
Kanye n’a pas été un précurseur des collabs entre rappeurs et équipementiers. Le groupe Run-DMC signait avec adidas dès 1986, tandis que de grands noms comme Jay-Z ou 50 Cent avaient déjà eu droit à leurs silhouettes signatures avec Reebok au début des années 2000. Mais Ye a poussé le curseur plus loin, suscitant un engouement jamais vu jusqu’alors, à la durabilité inédite. Un succès imputable à son talent de designer et sa popularité, mais aussi à des prises de décisions fortes.
Lorsque Nike lui refuse des royalties au motif qu’il n’est pas un sportif professionnel, il claque la porte en affirmant être “le premier des créateurs dans le hip-hop”, arguant qu’à l’ère Internet “les musiciens doivent se positionner comme des stars” pour diversifier leurs sources de revenus. Son succès avec adidas fera définitivement bouger les lignes chez les géants du sportswear. Kanye impose véritablement le rappeur en prescripteur, alors que ce rôle était jusqu’ici dévolu au seul sportif de haut niveau. Aujourd’hui, pas un seul des grands équipementiers ne compte un rappeur dans son pool de collaborateurs, et celui-là se voit allouer une grande liberté créative. L’héritage Kanye West.
Kanye, définition de la hype perpétuelle
En plus d’avoir placé les rappeurs sur un piédestal, Ye a aussi imposé le concept de sneaker de luxe dès son crossover avec Louis Vuitton en 2009. Là encore il n’en est pas l’inventeur - Karl Lagerfeld introduit des sneakers sur les podiums dès 1976, Gucci lance sa Tennis en 1984, la première collab Jil Sander x Puma date de 1998 -, mais il lui a octroyé toute sa popularité, donnant lieu au marché tel qu’on le connaît. Un marché dans l’absolu guidé par la recherche d’une hype perpétuelle, dont il peut aussi revendiquer la paternité.
Car en effet comment ne pas se rappeler des camp out impressionnants pour ses Air Yeezy 1 et 2, puis ses premières adidas ? Des files interminables parfois émaillées d’incidents, qui ont incité les marques à délaisser le champ du physique au profit des loteries online. En définitive, Kanye West a consacré la sneaker en accessoire de mode, érigé les réseaux sociaux en principal outil marketing, encouragé les raffles systématiques et dopé le resell. Oui, rien que ça. Et alors qu’il nous apparaît toujours aussi influent à l’heure actuelle, on peut se dire que Ye n’a pas fini d’imprimer sa patte sur la sneakers culture par ses prises de décision. Qu’elles soient ou non créatives.