Comment ASICS s'est érigé en nouvel outsider dans la sneaker limitée

Derrière le trio de tête du sneakers game, constitué des Nike, adidas et New Balance, un autre acteur marque des points ces dernières saisons. Grâce à ses collabs bien senties avec des designers d’avant-garde, mais surtout et avant tout la technicité historique des produits qui leur servent de support, ASICS est parvenu à séduire les sneakerheads et fashionistas. Le fruit d'un long travail, qui devrait encore porter ses fruits et peut-être bien rebattre les cartes !

D’Onitsuka à ASICS, l’histoire d’un équipementier au service des runners

Né en 1949 au Japon, ASICS a d’abord et longtemps porté le nom de son créateur Kihachiro Onitsuka. Celui-ci avait pour ambition première de produire des chaussures b-ball, sa première silhouette s’avérant d’emblée originale pour sa semelle dotée de ventouses inspirées du poulpe, mais il se fera véritablement connaître en se tournant vers le running à partir de 1953. Rapidement perçue comme une spécialiste en la matière, la marque s’offre avec les JO de Tokyo 1964 une exposition lui permettant de conquérir de nouveaux marchés, notamment les États-Unis où un certain Blue Ribbon Sports, ancêtre de Nike, se met à distribuer ses produits.

Onitsuka jouera ainsi un grand rôle dans la création du Swoosh ! Dépassant le cadre de la distribution, les associés élaborent ensemble, en 1969, une paire que les fondateurs Bill Bowerman et Phil Knight développeront sous le signe de la virgule à l’insu de leur partenaire. Saisie, la justice décrètera que les deux marques pourront commercialiser ce qui deviendra la Cortez chez Nike et la Corsair pour Onitsuka, ou l’unique sneaker devenue best-seller pour deux marques différentes ! Malgré ce revers judiciaire, l’équipementier japonais continue de grandir. C’est en 1977 qu’il troque son nom initial pour ASICS, acronyme de la célèbre phrase latine anima sana in corpore sano - un esprit sain dans un corps sain -, en marge d'une décennie charnière qui sera marquée par d’importantes innovations.

Quand technicité rime avec lifestyle

C’est en 1986 qu’ASICS lance sa plus fameuse technologie, GEL. Améliorant l’absorption des chocs ainsi que le confort, elle dotera les modèles qui restent les plus populaires à ce jour, les GEL-Lyte, GEL-Saga ou encore GEL-Kayano, tous lancés au cours de la décennie 1990. Et si c’est la pub du Kill Bill de Tarantino qui octroie à ASICS ses premiers succès lifestyle au début du nouveau millénaire, ce sont bien ses paires les plus techniques qui en assureront la pérennité. Appréciées pour leurs designs audacieux, les silhouettes estampillées GEL finiront par attirer les sneakerheads avec des éditions limitées.

Les collabs débutent en 2004 avec une GT-II co-signée par le shop Proper, et la marque japonaise ne tarde pas à les multiplier, dans un premier temps avec des retailers quasi-exclusivement, et quasi-exclusivement sur la GEL-Lyte III caractérisée par sa languette fendue. Les Patta (2007), colette x LaMJC “Sold Out” (2008), Hanon “Wildcats” (2011) ou KITH “Salmon Toe” (2011) ont toutes été plébiscitées, permettant donc à ASICS d’ajouter les collectionneurs à ses consommateurs lifestyle. Bientôt viendra une clientèle plus pointue, grâce à un certain Kiko Kostadinov.

De Kiko Kostadinov à Cecilie Bahnsen, ASICS à l’assaut du créneau high fashion

En 2017, ASICS débute sa collab avec le jeune designer bulgare, fraîchement diplômé de la célèbre école de mode londonienne Central Saint Martins - où sont passés les Kim Jones, Alexander McQueen ou John Galliano. On peut dire que l'équipementier a eu le nez creux, tant en attirant le créateur dans son giron qu’en lui laissant carte blanche, l'autorisant tout bonnement à transformer les modèles à sa guise. Avec des silhouettes singulières mêlant héritage sportswear, outdoor fonctionnel et futurisme d'avant-garde, Kiko Kostadinov place idéalement son partenaire sur le créneau de la sneaker high fashion. À un moment où la clientèle mode a déjà intégré la runner performance dans sa garde-robe, les GEL-Burz, GEL-Delva et GEL-Sokat du designer rencontrent chez eux un immense succès. Désormais intégré au studio créatif de la marque, Kiko trace sa route à l'écart des tendances et drive dans son sillage une foule de disciples ébahis qui ne jurent que par lui, et font de chacune de ses sneakers des produits cotés au resell.

Fort de cet engouement nouveau, ASICS enchaîne depuis plusieurs saisons les signatures designers. Griffes high fashion comme Vivienne Westwood, COMME des GARÇONS, A.P.C. ou GmbH, marques streetwear telles que Awake NY, Pleasures, M+RC Noir ou Denim Tears… les noms se succèdent pour revisiter les classiques de l'équipementier et le succès ne se dément pas. Mais ces derniers mois, ASICS a fait encore plus fort. En sortant des sentiers battus avec des créations toujours plus originales à l’image des Kayano 14 de BEAMS et de la Quantum de TheSoloist, en ajoutant des labels estimés comme JJJJound ou HAL STUDIOS mais aussi de nouveaux designers d’avant-garde à son pool de collaborateurs. De ceux qui figuraient dans son pop-up parisien lors de la dernière Fashion Week, à l'instar d'AIREI qui a signé une surprenante GT-2160 recouverte d'un matériau proche du plâtre, ou de Cecilie Bahnsen et ses silhouettes ornées de motifs floraux. Avec cette étendue de collaborateurs, qui délivrent des produits rafraîchissants à une heure où la créativité fait globalement défaut, ASICS ne cesse de consolider sa position dans le cœur de sneakerheads de tous horizons, de la rue aux podiums des semaines de la mode. De quoi venir titiller le haut du classement des équipementiers dans la sneaker limitée… et viser encore plus haut !

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Alexandre Pauwels

Journaliste sneakers, mode, lifestyle. Auteur du livre "Sneakers Obsession".